Édition v.2 du 2023-06-27, revue, corrigée et étendue, avec tous les remerciements à Ilya Koshkin pour de précieuses observations critiques, et à Stéphane Valentini pour son scrupuleux travail de correction de mon français grièvement déficient.
Ce dont il ne sera pas question (et ce dont il sera par conséquent question)
Pour commencer, définissons les attentes.
Premièrement, les recommandations données dans cet article sont purement subjectives, tirées de mon expérience personnelle, et n’engagent que moi. Que Dieu me garde de l’illusion de détenir la Vérité Absolue!
Je ne suis pas chasseur, je ne comprends rien aux lunettes de chasse et je n’en parlerai donc pas.
Faute de places de tir accessibles, je ne tire que très rarement avec une optique grossissante à moins de 500 mètres, et bien que j’aie une idée des qualités requises aux lunettes à faible grossissement / LPVO, je ne les utilise pas suffisamment pour pouvoir porter un jugement à leur sujet.
Finalement, je ne fais pas de tir au “plus petit groupement” ni de “score en cible” à lunette (pour le tir à 300m, les organes de visée métalliques suffisent largement). Mon attitude envers le benchrest est… compatissante et méfiante à la fois ; après avoir été en contact avec des benchresters passionnés, j’essaye d’éviter tout ce qui touche à cette discipline, juste au cas où (apparemment, ça peut être contagieux).
Mes recommandations valent pour le tir sur cibles type militaire au-delà de 500m et jusqu’aux distances transsoniques des calibres employés[1], à savoir: en .308 — jusqu’à environ 900 m, en 7,5 GP11 ou 6,5 Creedmoor — jusqu’à 1100-1200, en .338 LM — jusqu’à 1500-1600 m (ces chiffres jouent pour des tirs en altitude; au niveau de la mer, en raison de la densité de l’air, ces distances seront probablement plus courtes d’une centaine de mètres).
Au-delà commence le “tir de cirque” extra-TLD où, sans équipement spécialement conçu pour cette discipline, même avec de très bons fusils, de très bonnes munitions et dans de très bonnes conditions, il est difficile de compter sur un touché raisonnablement certain d’une cible humanoïde[2].
En raison de l’équipement décrit et du créneau d’application, nous parlerons, faute d’un meilleur terme, de lunettes TLD “tactiques légères”.
Sous ces réserves, entrons dans le vif du sujet.
Grossissement
Pourquoi les optiques sont-elles nécessaires en premier lieu : observation, détection et identification de la cible, visée en tant que telle (et, dans les cas limites, compensation des conditions d’éclairage difficiles dans lesquelles les organes métalliques ne fonctionnent pas très bien). Une lunette aide à mieux voir, mais n’aide pas à mieux tirer. Mettez un bon tireur à 300 m avec un dioptre et avec une lunette — les résultats en cible seront tout à fait comparables.
Par conséquent, si on peut aisément viser une cible “torse” à 70-100 m aux organes métalliques, pour viser confortablement la même cible au-delà d’un kilomètre, un grossissement de 10-15x est tout à fait suffisant. En outre, à cette distance, la dispersion propre de fusils corrects se rapprochera des gabarits de la cible; pas la peine donc de viser quelque chose que l’on ne peut pas raisonnablement atteindre. Par contraste, pour les situations de type “sniping policier”, où il s’agit parfois de toucher une cible de la taille d’un poing à 300 mètres avec un fusil lourd et stable, plus de grossissement pourrait être utile. Sur une carabine en .338LM j’ai aussi une lunette grossissant en haut 24x , et, aux distances extrêmes, je monte parfois jusqu’à vingt ou plus, mais en général, pour les calibres non-magnum, pour le tir à proprement parler, un grossissement dépassant les 15x est largement superflu.
Pour le tir à proprement parler, un grossissement trop important est même nuisible. Surtout avec les fusils légers: un gros zoom amplifie les oscillations naturelles de l’arme lors de la visée. Le tireur vise trop longtemps et, par conséquent, tire moins bien.
Les grands zooms ne sont cependant pas complètement inutiles; leur utilité se justifie non pas au tir, mais plutôt à l’observation. Par exemple : le facteur le plus difficile, le plus problématique en TLD, le seul qui ne peut être entièrement mesuré et pris en compte par les méthodes modernes, est le vent. Le vent au niveau du sol n’est pas le même que le vent au sommet de la trajectoire. Le vent sur la position n’est pas le même qu’à mi-chemin vers la cible. L’évaluation du vent reste un art dans lequel un fort grossissement peut être utile, pour observer, par exemple, comment la végétation bouge le long de la trajectoire. De même, en l’absence d’une lunette de spotter dédiée, une lunette de visée à grossissement important permet de voir les impacts, faisant d’elle un “spotter du pauvre”.
Maintenant, en ce qui concerne le grossissement en bas de la plage: en termes pratiques, il s’agit d’un critère largement sous-estimé. Pour de telles applications, le grossissement doit être faible, idéalement de 3 à 4 fois, 5 ou 6 fois étant déjà presque trop pour certaines conditions. Un faible grossissement est avant tout nécessaire en cas de mauvaise lumière au crépuscule.
Petite digression : même si l’ingénierie et la technologie derrière les lunettes modernes sont très complexes, le principe fondamental du grossissement optique est conceptuellement très simple.
L’objectif projette une image du monde extérieur sur le premier plan focal. En raison des lois de l’optique, l’image est inversée. Ensuite, le système optique redresseur prend l’image du premier plan focal et, en la retournant, la projette sur le deuxième plan focal. Le système d’oculaire prend l’image du deuxième plan focal et la projette en collimateur directement dans l’œil, où l’ensemble arrive dans le système optique de la pupille humaine et est projeté sur le troisième plan focal (pour être plus précis – une surface de forme approximativement sphérique) – la rétine.
Dans les lunettes à zoom variable, le système redresseur est également responsable du réglage du grossissement. Il le fait très simplement – il prend une partie centrale plus ou moins grande de l’image du premier plan focal et la projette sur l’ensemble du deuxième plan focal. Toute la lumière qui n’atteint pas cette partie centrale est évidemment perdue pour l’œil. Si, par exemple, on double le diamètre — la surface augmente d’un facteur 4. Par rapport à un grossissement de 6x, à 3x l’œil reçoit 4 fois plus de lumière. La différence pratique au crépuscule est énorme.
Mais le faible grossissement n’est pas seulement nécessaire en cas de faible luminosité ; il est également très utile dans la neige ou le brouillard.
Alors qu’à 10x, par exemple, seul un mur blanc est visible, à 3x, les silhouettes des cibles apparaissent soudainement nettes, comme dans un théâtre d’ombres. À faible grossissement, il est également beaucoup plus facile d’effectuer un tir rapide à partir d’une position inconfortable.
Et, bien sûr, cela s’applique pour l’observation et la recherche des cibles. A fort grossissement, l’angle de vue est très réduit. Dans la pratique, il est impossible de comprendre où se trouve, dans l’ensemble de l’image, un buisson particulier que l’on observe dans le réticule. À cette fin, le grossissement est baissé, l’angle s’élargit, il devient alors clair où le canon pointe, on peut rapidement trouver la cible et augmenter le grossissement pour la visée[3].
À ce propos, on ne peut pas toujours se fier aux affirmations du fabricant, en raison de l’effet tunnel présent dans certains modèles de lunettes. Cela se manifeste comme suit: avec la réduction progressive du grossissement, à un moment donné, au lieu d’agrandir l’angle de vue, l’image est simplement réduite et tout l’espace autour d’elle est rempli d’Obscurité. L’exemple le plus célèbre est la PMII 5-25×56 de Schmidt & Bender. Le fabricant indique qu’il s’agit d’une 5-25x, mais en réalité, lorsque l’on réduit le grossissement à moins de 7x environ, le champ de vision cesse d’augmenter et c’est le bord noir autour de l’image, de plus en plus épais, qui envahit le tube. Pour le reste – qualité du verre et de la mécanique – la lunette est splendide, mais il faut comprendre qu’en pratique il ne s’agit pas d’une 5-25x, mais d’une 7-25x, et vivre avec.
Grossissement en résumé
Pour les carabines légères (calibres non magnum) :
En bas — pas plus de 5x, ou, mieux encore — 3-4x.
En haut — 12-15x suffisent pour le tir à proprement parler. Un plus grand grossissement ne dérange pas, et peut même parfois être utile, mais se paie en gabarit, en poids, et aussi en argent tout simplement.
Pour les calibres magnum :
20-25x en haut.
Réticule
Le réticule et l’un des critères les plus importants, souvent sous-estimé (et un sujet très controversé, je préviens tout de suite).
Il existe, en simplifiant, deux types de réticules : a) les réticules simples et sobres, en croix, “poteau” ou “T”, et b) les réticules compliqués, avec toutes sortes de dentelles et de bas-reliefs luxueux en façade.
Les réticules simples sont ceux que nous avons l’habitude de voir sur les lunettes de chasse ou sur les optiques de sniper de l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Pour autant que je sache, jusqu’aux années 1960, il n’existait pas d’autres types de réticules produits en série significative. Le principal avantage de ces réticules est évident : leur utilisation est facile et instinctive, il n’y a pas de guirlandes ni arrangements floraux, rien ne vacille et ne distrait l’œil, on identifie immédiatement la marque de visée.
Dans les années 60, avec le déploiement du Dragunov SVD dans l’armée soviétique, un réticule absolument révolutionnaire — le PSO-1 — a vu le jour, et le monde [du sniping militaire] a changé pour toujours. Le marquage supplémentaire sur le réticule est utile pour deux choses (enfin, deux et demi) :
1. déterminer la distance pour des objets de taille connue;
2. fournir des repères / marques accessoires pour contre-viser sans modifier les réglages de la lunette;
+0,5. observer et conduire le feu — soit en tant qu’observateur (ersatz de jumelles), soit pour simplifier l’interaction avec le spotter.
Il faut dire que tous ces types d’utilisation étaient déjà prévus dans le réticule PSO — échelle télémétrique, chevrons supplémentaires pour le tir en contre-visé, échelle en millièmes – tout y est!
En même temps, le réticule PSO-1 est encore assez sobre, mais depuis lors, tout n’a fait que se compliquer. On ne trouve pratiquement plus de lunettes de sniper modernes (par opposition aux lunettes de chasse) à fort grossissement avec des réticules simples, et il y a une raison à cela : les réticules complexes fonctionnent réellement. Dans la pratique, il s’est avéré que tous ces artifices augmentaient considérablement l’efficacité du tir, et tout de suite tout le monde en voulait.
Au passage, il faut remarquer qu’il ne faut pas compter sur les réticules à “compensation balistique” (angl. Bullet Drop Compensation, BDC), dans le style des chevrons PSO, pour le tir longue distance; d’ailleurs, à ma connaissance, personne ne met de tels réticules dans les lunettes TLD. La raison en est simple : ce type de réticule ne fonctionne correctement qu’avec une arme réglementaire spécifique nourrie de cartouches réglementaires spécifiques. En outre, ces marques sont plus ou moins justes seulement jusqu’à 600 mètres environ, car plus la distance est grande, plus l’erreur due aux conditions atmosphériques est importante. En général, pour un tireur civil, les réticules BDC, même dans les lunettes à petit grossissement, sont à mon avis une mauvaise idée, car ils fonctionnent de manière totalement aléatoire avec les différentes munitions commerciales. Si vous n’avez pas un fusil militaire et un cheat pour les munitions militaires infinies, ce n’est pas la peine de faire du cosplay avec le réticule (cependant, je m’éloigne du sujet).
Unités de graduation
Un réticule TLD doit être indépendant de la balistique d’une cartouche spécifique, mais être gradué en unités angulaires universelles.
L’unité angulaire universelle correcte est le millième, alias milliradian, alias mrad, alias mil. L’exemple classique est le réticule Mildot. Les milliradians sont souvent considérés à tort comme des unités métriques. En réalité, il n’y a rien de métrique là-dedans, l’unité dans laquelle la longueur est mesurée n’a aucune importance. À une distance D, le déplacement du point de visée de 1 milliradian est égal au déplacement du point d’impact de 1/1000 D, quelle que soit l’unité de mesure de la distance D.
A contrario, les minutes d’angle, également appelées MOA, ne sont PAS les unités correctes. Les réticules en MOA n’existent qu’en raison de la logique perverse des trilobites fossiles, qui mesurent la longueur, la largeur et la hauteur dans trois unités différentes, avec des facteurs de conversion totalement aléatoires de l’une à l’autre. Par un hasard trigonométrique, 1 MOA à 100 yards correspond (avec une erreur de 5%) à un pouce; quoi de plus naturel pour un trilobite fossile? Les trilobites ont de l’argent. En échange de cet argent, le marché leur fournit n’importe quel produit pour satisfaire leur caprice. Mais il faut comprendre qu’en dehors de l’attachement religieux à un système de mesures archaïque, il n’y a aucune autre raison pour justifier l’existence des MOA dans le monde du tir.
Les MOA rendent tous les calculs très difficiles et offrent en général tellement d’occasions supplémentaires de se tromper que même l’armée états-unienne, ayant surmonté sa rigidité de pensée, a initié il y a déjà 30 ans ses tireurs d’élite aux vertus des millièmes, et a oublié les MOA comme un mauvais rêve.
Les “sapins”
Les réticules en mils, quant à eux, se déclinent en deux types : des espèces de mildotoïdes, avec ces dernières années plutôt des traits fins au lieu de gros points, et peut-être avec quelque artifices télémétriques, style PSO-1, en plus. Mais il y a aussi les réticules dits “en arbre de Noël”.
Le “sapin” représente le même marquage en millièmes qui descend sous forme de grille en s’élargissant progressivement. Il est conçu pour permettre de tirer en contre-visant, sans ajuster les réglages. Par exemple, si la distance à la cible nécessite une correction verticale à 6,8 milliradians, au lieu de faire 68 clics, il faut trouver la septième ligne (la septième branche de l’arbre) en partant du haut et prendre le point de visée “un peu plus haut”.
Personnellement, je suis “moyennement” convaincu par ces “sapins”. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’ai tiré au “sapin” avec toute diligence pendant une bonne partie d’une saison, en attendant, en vain, une espèce d’éveil bouddhique. Non. Comme l’a écrit Lev Tolstoï à une autre occasion: “Pas ça”. Le “sapin” n’ajoute clairement pas de précision. Le gain de vitesse annoncé et revendiqué me semble plutôt douteux : entre l’identification de la cible, la prise de distance, le mesure de l’angle du site, la mesure de la pression, la mesure de la température, l’évaluation du vent, et prise en compte de tout ça — à coté, faire quelque clics de hausse prend un temps tout à fait négligeable. Il n’y a rien à gratter. Par contre, les occasions de s’embrouiller dans ces guirlandes, juste au moment où l’on n’en a pas besoin, sont aussi nombreuses que variées.
Je ne veux pas être trop catégorique. On ne peut pas tout mettre sur le compte de la mode ou du marketing agressif du fabricant Horus. L’armée US a récemment introduit le réticule unifié pour tous les dispositifs d’observation et de visée – ce n’est même pas un arbre, mais plutôt une grille, extrêmement chargée et — petite touche “délicate” — légèrement asymétrique.
Le sens sacré de cette décision m’échappe – l’observateur et le tireur ont des tâches différentes, je ne vois pas bien pourquoi il faut unifier l’outillage, mais, étant un bête civil, j’admets volontiers que je ne comprends pas grand chose aux applications militaires.
Les Allemands, à leur tour, lors d’un récent appel d’offres pour les nouveaux fusils de sniper de la Bundeswehr, ont demandé le réticule Tremor-3 (à mon avis, absolument monstrueux) de la société Horus; ils l’ont spécifié directement dans les termes de référence.
Il est incroyable que cela ait pu passer les règles des achats des marchés publics. Le fait d’inscrire directement dans les conditions de l’appel d’offres non pas les spécifications requises, mais un “bonus” à une entreprise spécifique — c’est à se demander si les personnes responsables de cette décision n’avaient pas… quelques billes dans le jeu.
Les Finlandais, quant à eux, ont récemment adopté le réticule MSR2, également de conception finlandaise, sans sapins du tout (faut croire qu’ils en ont déjà assez dans le pays), une espèce de mildot-plus-plus, avec quelques échelles télémétriques supplémentaires; une conception, à mon avis, très intelligente et pratique (j’aurais cependant fait les lignes un peu plus épaisses).
Les deux concepts — avec ou sans “sapin” — restent valables et actuels. Le choix du réticule est donc dans une large mesure une question de préférence personnelle et de technique de tir personnelle. En outre, vu le marché moderne, on n’échappe pas aux “sapins”, qu’on le veuille ou non ; certains modèles de lunettes ne sont disponibles qu’avec ce type de réticule.
En ce qui me concerne, le principal problème avec les “sapins” est de faire en sorte qu’ils ne dérangent pas, mais peu sont ceux qui en sont capables. Lorsqu’il faut se concentrer, l’œil a besoin d’un repère clair pour savoir où regarder, c’est ainsi que nous, humains, sommes construits. Plus il y a d’éléments distrayants, plus l’œil se disperse, plus la fatigue augmente, et plus il est difficile de travailler avec l’outil.
Un exemple d’un mauvais “sapin” : tout ce que fait Horus est un impensable mélange uniforme d’éléments à peu près identiques, parmi lesquels, tels les boutons flamboyants sur la figure d’un ado, des grosses marques secondaires complètement aléatoires attirent le regard ahuri à des endroits complètement aléatoires. On a l’impression qu’il s’agit d’un acte délibéré de sabotage — des agents secrets de l’ère soviétique sapant ainsi les capacités de défense des concurrents géopolitiques.
Un exemple de “bon” sapin : la grille GR2ID de S&B. Une conception exceptionnellement intelligente, à mon avis. Quand on n’en a pas besoin, l’œil s’en détache tout naturellement, et le “sapin” disparaît, vraiment. Si vous en avez besoin, il est là, apparaissant comme par magie. Si un jour je me mets à cultiver des “sapins” de mon propre chef, le GR2ID de chez les deux Helmuts est pour l’instant le premier candidat en lice.
Comme exemples d’autres “bons” sapins non-obtrusifs on peut citer les réticules MRAD de Meopta, ou encore le March FML-TR1.
Pour l’instant, toutefois, mon réticule préféré est le P4LF du même Schmidt&Bender, une excellente variation sur le thème du mildot — rien de superflu, fonctionnel, intuitif, parfaitement visible à tout grossissement.
Non, je ne suis pas du tout un mec branché, et ce n’est même pas la peine de le prétendre.
Plan focal
Commençons par la conclusion: tout réticule possédant une graduation utile doit se trouver dans le premier plan focal.
Petit rappel de ce qui se passe à l’intérieur de la lunette:
Tout d’abord la partie oculaire projette l’image du monde extérieur sur le premier plan focal. Le plan focal, en général, ne contient pas nécessairement quelque chose de physique, il s’agit simplement d’un concept géométrique en optique. Si vous y placez par exemple une feuille de papier, vous obtiendrez une image nette. Dans les lunettes avec réticule dans le premier plan focal, il y a une lentille plate sur laquelle est gravé le réticule, qui est ainsi superposé à l’image projetée. Il est important de comprendre que le réglage du grossissement s’effectue juste derrière, et relève du système redresseur. Par conséquent, lorsque le grossissement est modifié, le réticule est agrandi ou réduit avec l’image. Le second plan focal, par contre, advient déjà après le grossissement, et le réticule en 2PF reste de la même taille pour l’œil, tandis que l’image derrière est agrandie ou réduite.
Si le réticule comporte des graduations ou dimensions utiles (comme le Mildot), au deuxième plan focal ces graduations n’ont du sens qu’à un certain grossissement spécifique (en règle générale, le maximal). Cette particularité est une source inépuisable d’erreurs, même pour les personnes habituées – une petite erreur accidentelle dans le grossissement — et bam, raté ! Mais avec le réticule dans le premier plan focal, les objets par rapport au réticule restent de la même taille et, par conséquent, le réticule reste juste quel que soit le grossissement.
Conclusion : pour le TLD, le réticule doit se trouver uniquement dans le premier plan focal (aussi désigné 1FP, ou FFP — de l’anglais Front Focal Plane).
Ceci dit, un réticule en FFP se paie. Tout d’abord, il est plus cher à produire, notamment en raison des exigences plus élevées en matière de précision de la gravure. Par ailleurs, la conception d’un bon réticule FFP est une affaire beaucoup plus complexe. D’une part, il doit être immédiatement visible à faible grossissement, ce qui implique des lignes relativement épaisses, et d’autre part, il est nécessaire qu’à fort grossissement, ces lignes épaisses ne couvrent pas la cible et ne gênent pas l’observation. C’est un art, un art du compromis, qui n’est pas à la portée de tout le monde.
J’ai beaucoup plus de mauvais exemples que de bons dans ce domaine. Prenons, par exemple, les produits Vortex (non pas qu’ils fassent des choses particulièrement fausses, mais j’ai juste eu plus d’expérience avec leur équipement). Il font, généralement parlant, d’excellentes lunettes, surtout dans des catégories de prix moyennes et élevées – très bonne optique, très bonne mécanique, mais leurs réticules par contre… Les EBR-2, 4, 7 sont, à mes yeux, de parfaits exemples de ce qu’il ne faut pas faire, mais que beaucoup de fabricants font : le réticule est conçu pour le modèle “phare”, en règle générale le plus grand, et pour le plus grand de ses grossissements. À 30x, c’est un vrai régal ! Ensuite, le même réticule (probablement juste la même lentille avec la même gravure) est installé partout.
Le problème est qu’à un grossissement inférieur à 8x, surtout sur un fond de végétation, ce réticule est à peine visible, et il faut s’accrocher pour le trouver, et qu’à 3x il faut abandonner tout espoir d’y voir quelque chose.
Bien entendu, il ne s’agit pas de petits détails conçus pour un fort grossissement, mais du point de visée principal, qui doit être immédiatement visible, y compris aux grossissements les plus faibles, sinon ces grossissements sont en pratique inutiles, le réticule ne permettant pas d’utiliser toutes les capacités de la lunette et étant tout simplement inadéquat au reste de l’optique et de la mécanique.
Étrangement, vu la longévité du design et l’abondance de designs similaires chez d’autres fabricants, ça ne semble pas déranger le public cible outre mesure. (Ça en dit d’ailleurs beaucoup sur ce public-cible — les gens qui tirent en conditions de luminosité parfaites sur des cibles statiques, facilement identifiables et bien contrastées, sans contraintes de temps, au plus gros grossissement. Des conditions “de laboratoire”, en fait.)
Par conséquent, lorsque l’on choisit un réticule, il faut vérifier sa fonctionnalité sur toute la plage des zooms (et pas sur un nuage dans le ciel ou sur un champ enneigé, mais sur un fond sombre et tacheté, p. ex. des buissons et des branches denses) — ce simple test d’entrée permet d’identifier une bonne partie de ces instruments “de laboratoire”, et prendre la décision en conséquence.
Illumination
Pour mes applications, le réticule illuminé est parfois utile, mais pas essentiel. Les mots clés sont “pour mes applications”. En montagne, le crépuscule est très court, une demi-heure tout au plus, comme sous les tropiques, le soleil passe derrière la montagne et *paf* — l’interrupteur est éteint. Sous les latitudes septentrionales et dans les plaines, ce facteur sera, je pense, beaucoup plus important (par exemple, j’ai été une fois à Leningrad en automne, et je me souviens que le crépusculaire occupait alors la moitié de la journée (le reste du temps il faisait nuit)). L’illumination n’est nécessaire qu’au crépuscule, dans l’intervalle où la cible est visible, mais le réticule sur son fond ne l’est pas. Le réticule peut être illuminé complètement ou partiellement, mais il faut comprendre qu’au crépuscule le tir sera probablement effectué à un grossissement plus faible, pour laisser rentrer plus de lumière, et qu’il n’est pas forcément nécessaire d’éclairer les détails fins du réticule. Pour moi, la marque centrale principale – une croix ou un point — a toujours été suffisante.
À ce stade, un lecteur attentif et curieux se demande sûrement si l’illumination en plein jour peut compenser la conception trop fine du réticule que je viens de maudire. J’ai une réponse : c’est possible, mais c’est cher. Ces dernières années commencent à apparaître des réticules à illumination visible en plein jour (“daylight bright”), conçus sur le principe de la diffraction, c’est-à-dire de la lumière directionnelle (plutôt qu’un simple revêtement réfléchissant dans tous les sens). Ce type d’illumination a fait ses débuts dans les LPVO haut de gamme, et c’est vraiment beaucoup plus efficace que la technologie classique. L’illumination diffractive est parfaitement visible en plein jour, tel un red dot, et certains fabricants, comme Zeiss, par exemple, commencent à l’employer dans des outils tactiques TLD à grossissement plus important. Toutefois, jusqu’à présent, le prix de revient d’un tel système (lentille gravée + LED qui va bien) reste comparable au prix d’une lunette entière parfaitement fonctionnelle. Il faut espérer qu’à l’avenir l’illumination diffractive deviendra plus abordable et plus répandue.
Par contraste, l’illumination réfléchissante classique n’est pas visible en plein jour. Certains fabricants, pour la plupart chinois, tentent d’obtenir du “daylight bright” avec la technologie réfléchissante traditionnelle en y installant une LED de 100500 lumens. Cela se termine mal : les piles sont consommées à raison d’un paquet à l’heure, de plus, au fur et à mesure qu’on augmente l’illumination, le tube se remplit d’une véritable ambiance discothèque, avec une teinte rouge infernale, idéal pour ceux qui aiment se créer des difficultés artificielles au tir. À ce propos, une illumination au niveau confortable pour la luminosité ambiante ne doit pas produire de reflets parasites. Cela fait déjà un moment que je n’ai pas vu ce phénomène avec les lunettes récentes de grandes marques, mais avec les modèles “budget”, il y a toujours un risque de faire face au “disco devil” dans le tube. Si l’illumination est un critère, ce point vaut une vérification.
Pour finir, un mot sur la couleur de l’illumination. Les LED vertes sont les plus efficaces en termes de rendement ; elles ont, en théorie, au reste égal, la plus longue durée de vie de la batterie. La lumière rouge, quant à elle, est la seule partie du spectre qui ne nuit pas à la vision nocturne. Dans la mesure où l’illumination des lunettes est prévue principalement pour les conditions de crépuscule, il faut en tenir compte, et pour cette raison mon choix porte sur le rouge[4].
Les ajustements
Les tourelles d’ajustement
Dans les lunettes de chasse ou les lunettes à faible grossissement, les tourelles d’ajustement sont protégés par des capuchons, afin d’éviter un déréglage accidentel.
En tir longue distance, l’exigence est exactement inverse — les tourelles doivent être ajustées à chaque tir. Par conséquent, ces tourelles doivent être externes.
Les tourelles doivent avoir les clics tactiles et nets, pour pouvoir faire des corrections “au feeling” sans quitter l’oculaire des yeux. En ce qui concerne la netteté et la tactilité nécessaires, chacun a ses propres idées. Pour moi, si on peut compter en toute confiance jusqu’à 10 clics sans regarder et sans écouter, alors les tourelles sont OK. (Si on doit compter plus de 10 clics à l’aveugle et au sourd, il y a de fortes chances qu’on fait quelque chose de fondamentalement faux).
Toutes les choses désagréables que j’ai dites à propos des minutes angulaires dans la graduation des réticules s’appliquent également aux graduation des tourelles. Là encore, les MOA sont un Mal, tandis que les millièmes sont la Beauté et la Vérité. Des variantes particulièrement charmantes combinent une grille en mils, style Mildot, avec des tourelles de réglage en fractions de MOA — dites “bonjour” à la schizophrénie garantie.
La valeur du clic d’un dixième de milliradian est, dans ce genre, un standard de facto, un bon compromis entre la finesse et la rapidité des ajustements.
En parlant de la valeur des clics, j’essaye toujours de les vérifier. Je le fais systématiquement sur toutes les lunettes que je monte sur mes armes, et souvent, par camaraderie, sur celles des autres.
Il n’y a pas eu de surprise avec les modèles haut de gamme, plus ou moins un pour cent d’erreur, pas plus, mais même dans le segment de prix moyen, avec des instruments pas si bon marché que ça, se sont parfois produits des écarts allant jusqu’à 4-5% par rapport aux chiffres annoncés. Cela ne constitue pas en soi une raison de disqualification, si l’erreur est uniforme et constante, il est assez facile d’en tenir compte dans les tableaux balistiques, mais cela reste désagréable. Une erreur de plus de 5 % est, pour moi, une disqualification claire et immédiate.
C’est également une bonne idée de vérifier la répétabilité des clics; c’est-à-dire, par exemple, que 100 clics vers le haut puis 100 clics vers le bas finissent exactement au point de départ. Il y a aussi la perpendicularité des clics et autres propriétés mécaniques, je n’entrerai pas dans les détails, la vérification de la mécanique des lunettes peut être le sujet d’une discussion séparée. Je dirai seulement que contrairement aux lunettes de chasse ou aux LPVO qui sont “cloués” une fois pour toutes au zérotage, au TLD la valeur des clics et la répétabilité de la mécanique sont d’une importance capitale.
Pour les tourelles d’élévation, deux autres caractéristiques fonctionnelles sont absolument essentielles : le zéro-stop et l’indicateur de tour. L’absence de l’un ou de l’autre est une garantie à 100 % de confusion, d’erreurs, de ratés et, en général, de perte de munitions et de temps.
Le zéro-stop est un mécanisme dans la tourelle, qui est réglé lorsque la lunette est zérotée, et qui ne permet pas de la tourner en dessous de la position zéro sur l’échelle.
En ce qui concerne l’indicateur de rotation, lorsque l’on tire à longue distance, le nombre de clics requis peut dépasser le budget d’un tour de la tourelle, et il faut pouvoir immédiatement savoir où exactement on se trouve. Idéalement, l’indicateur devrait être non seulement visuel, mais aussi tactile.
C’est, d’ailleurs, pourquoi plus il y a de clics par tour, mieux c’est. Il est beaucoup plus facile à vivre avec 10 ou 12 mrad par tour, plutôt qu’avec 6 ; il y a beaucoup moins de chances de se tromper de tour.
La possibilité de bloquer les tourelles contre une rotation accidentelle, par exemple pendant le transport, n’est pas nécessaire à proprement parler, mais, si présente, elle est utile.
Enfin, j’invite tous les lecteurs à ne pas faire comme moi. Ne répétez pas mes erreurs! Que toutes vos lunettes tournent dans le même sens. Dans le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens inverse — il n’y a pas de différence pratique, c’est une question d’habitude, mais il faut en choisir une méthode, et vous y tenir, car (comme le montre mon expérience amère) cela permet d’éviter beaucoup d’erreurs stupides sur le champ de tir.
La plage d’ajustements
Commençons par clore la question avec les ajustement horizontaux en dérive — il y en a assez. Et même si il en manque un peu, il est beaucoup plus facile de contre-viser à l’horizontale, que de le faire en élévation. Pour les corrections verticales, en revanche, c’est plus compliqué: on tire loin et on a besoin de beaucoup de corrections. La question est — “combien?”
Lorsque on examine les caractéristiques techniques d’une lunette, on doit se rappeler que si la lunette est montée parallèlement au canon, on ne peut utiliser que la moitié de la plage d’ajustements disponible. La raison en est évidente : la seconde moitié de la plage élève le réticule vers le ciel et, par conséquent, le canon pointe vers le sol. Afin d’utiliser entièrement ou partiellement l’autre moitié, les optiques TLD sont généralement montées avec un petit angle, assuré par un rail ou un montage monobloc à inclinaison intégrée.
Par exemple : fusil Sako TRG42 en .338LM, lunette de visée avec une plage d’ajustement en élévation de 25 milliradians. La moitié inférieure des ajustements, immédiatement utilisable, est de 12,5 milliradians et, en raison de l’inclinaison du montage, 7 milliradians peuvent être récupérés de la moitié supérieure, soit 19,5 mrad au total. En altitude de moyenne montagne, je bute contre la limite des ajustements à une distance d’environ 1500 m, plus ou moins, en fonction de la température. Plus loin — il faut contre-viser au réticule. Bon, déjà 1500, à mes yeux, sont une distance tout à fait respectable, l’occasion de tirer plus loin n’est pas si fréquente, la configuration en général est satisfaisante.
Autre exemple : la carabine K31 Mq.31 — là, au contraire, je suis allé un peu trop loin dans l’inclinaison. En raison de la conception du rail, on peut lui donner à peu près n’importe quelle inclinaison, simplement en plaçant des cales en acier entre le rail et le boîtier. Et j’y suis allé comme un petit fou ! Je voulais environ la moitié de la plage de d’ajustements (pour pouvoir utiliser toute l’élévation de la lunette), mais j’ai fait un peu plus que nécessaire. En résultat, la position la plus basse de la lunette correspond maintenant à la distance d’environ 200 m “point visé = point touché”, ce qui complique un peu le zérotage à courte distance. Par contre, tous les clics de la lunette, c’est-à-dire 23 milliradians, sont disponibles pour le tir, ce qui aide beaucoup à trouver la réponse à la question clé des temps modernes, à savoir “à quelle distance pourrais-je encore toucher la cible militaire avec un mousqueton vieux d’un siècle et une cartouche standard de dotation militaire”, mais en pratique c’est largement excessif.
Et le troisième exemple : Sako S20 en 6,5 Creedmoor, la lunette avec la plage d’ajustements totale de 26 mrad se trouve sur un rail incliné de 20 MOA, c’est-à-dire un peu moins de 6 milliradians. La moitié des ajustements font 13, plus six provenant de l’inclinaison, le total disponible pour le tir est d’environ 19 mrads, ce qui est largement suffisant pour toutes les distances réalistes pour ce calibre.
Résumons.
Les chiffres exacts – combien d’élévation est nécessaire pour un système particulier – peuvent être obtenus à partir d’une calculette balistique. Pour obtenir la chute nette, qui nous intéresse dans ce cas, introduite la hauteur de visée et la distance de zérotage à zéro, et prendre la trajectoire approximativement au mur du son, Mach 1. Suivent les chiffres indicatifs, pour donner une idée pour les calibres différents.
Pour atteindre les distances limites, pour les non-magnums classiques, comme les 308, 7,62×54, GP11, 6,5, comptez, avec une marge raisonnable, 16-18 milliradians de disponibles.
Pour le TLD, je ne recommande pas les lunettes ayant moins de 20 milliradians de plage d’ajustement totale en élévation. Il peut être difficile de trouver le bon montage avec la bonne inclinaison. Les montages inclinées sont généralement de 20 ou, plus rarement, de 30 MOA, soit environ 6 et 9 milliradians respectivement. Avec un montage incliné de 6 milliradians, une lunette de visée dont la course est inférieure à 20 mrad propres peut se retrouver en butée à longue distance. En revanche, si l’angle d’inclinaison est trop grand (plus de la moitié de la plage totale de la lunette), la même lunette peut se retrouver en butée, mais cette fois à courte distance.
La bonne nouvelle, c’est que la plupart des lunettes de visée disposent aujourd’hui d’une marge de correction totale de 25 milliradians ou plus. Pour ces lunettes il suffit de la monter sur une monture inclinée (les inclinaisons typiques de 20, 30 ou 40 MOA, et tout ce qu’il y a entre elles, conviennent) et ça va parfaitement faire l’affaire pour les calibres classiques non-magnums.
En ce qui est des magnums, de la classe .338LM, une marge de 22 à 24 milliradians est à prévoir. Là, ça devient plus compliqué — l’inclinaison est presque obligatoire (PGM, par exemple, pour certains modèles de carabines en .338, installe d’usine des rails inclinés de 40 MOA, c’est-à-dire dans les 11-12 milliradians). Il faut également une lunette à grande plage d’ajustements — 25 mrad au minimum, plus = mieux.
Pour rappel, nous parlons ici des distances extrêmes pour les calibres mentionnés. Pour les distances plus courtes, les exigences sont beaucoup plus modestes.
Enfin, pour le 5.56 ou le 5.45, on peut se limiter 10-12 mrad de plage disponible, c’est-à-dire que pratiquement n’importe quelle lunette fera l’affaire, dans la plupart des cas même sans inclinaison de montage.
Parallaxe
Après ces nouvelles encourageantes, on plonge dans l’ésotérique. La parallaxe. Rassurez-vous, même si le concept est fortement mystifié, en réalité il n’y a rien de bien compliqué.
Qu’est-ce que la parallaxe ? Supposons que nous ayons un arrière-plan lointain, comme une cible. Un objet, un crayon par exemple, est plus proche que la cible. A main tendue je vise la cible avec le bout du crayon. Maintenant, en laissant le crayon en place, je bouge légèrement la tête – le crayon se déplace également par rapport à la cible, en visant un endroit différent, parce que nous le regardons sous un angle légèrement différent. Prenons maintenant ce crayon, allons vers les cibles et scotchons-le à cet endroit. Revenons en arrière : vous avez beau bouger la tête, le crayon collé à la cible ne bouge pas par rapport à elle, car il se trouve à la même distance. C’est la parallaxe. Plus précisément, dans le cas d’un crayon collé à la cible, il n’y a pas de parallaxe.
Le phénomène de parallaxe est utilisé, par exemple, en astronomie lorsque deux télescopes séparés observent le même objet dans l’espace et que cet objet, sur fond de galaxies lointaines, est vu en des points légèrement différents. En connaissant la distance entre les télescopes, il est possible d’estimer la distance à l’objet. De même, notre vision binoculaire est basée sur la parallaxe – nous pouvons ainsi estimer “à l’œil” la distance aux objets visibles ; les deux yeux voient la même chose sous des angles légèrement différents.
Pour en revenir au crayon, le système de lentilles de l’objectif projette une image du monde extérieur sur le premier plan focal où le réticule de visée est superposé dessus. Il y a une chose importante à comprendre ici : l’image du monde extérieur est projetée depuis une distance spécifique sur laquelle le système d’objectif est focalisé. (Les amateur de photo comprennent très bien le concept.) Pour l’œil du tireur, le réticule apparaît comme étant à cette distance. Si la cible se trouve exactement à cette distance, le réticule reste “collé” à la cible comme le crayon, quels que soient les mouvements de la tête. Si la cible se trouve devant ou derrière cette distance, on observe la parallaxe — si vous bougez la tête, le réticule se déplacera par rapport à la cible. Le réglage de la parallaxe consiste à focaliser l’objectif de la lunette exactement à la distance où se trouve la cible.
Lorsque la parallaxe n’est pas réglée, la cible peut toujours paraître parfaitement nette, car elle se trouve dans le profondeur de champ autour de la distance de focalisation. En règle générale, c’est le cas pour les cibles lointaines : plus la distance est grande, plus la profondeur de champ est importante et, à un moment donné, on arrive à la distance hyperfocale : si on focalise dessus, tout ce qui se trouve derrière apparaît net jusqu’à l’infini.
En d’autres termes, la focalisation du système optique d’un objectif à une certaine distance et le fait de “voir clairement” à une certaine distance ne sont pas la même chose, la parallaxe peut subsister.
Dans les lunettes, qui n’ont pas de réglage de parallaxe, l’optique de l’objectif est réglée d’usine une fois pour toutes sur une certaine distance hyperfocale, généralement entre 100 et 300 mètres. À toutes les distances, à l’exception de celle-ci, une erreur de parallaxe est observée à un degré plus ou moins important. Quelle est son importance ? Par exemple, avec une parallaxe réglée à 100 mètres, lorsque on vise à 300 mètres, l’erreur de parallaxe maximale est de deux diamètres de l’objectif ; avec un objectif de, mettons, 50 mm, l’erreur maximale est de 10 cm. Dans la pratique, cette erreur est généralement moindre ; pour constater cet extrême il faut regarder par le bord de l’oculaire, où le réticule est encore visible. Mais assez régulièrement je vois des copains qui montent sur leurs carabines des lunettes de chasse avec la parallaxe réglée à 100m, viennent au stand 300m, et obtiennent cinq plus cinq égal dix centimètres de plus de dispersion qu’un bon résultat avec un dioptre à la même distance. Ils blâment la lunette, le canon le montage, alors que le problème est simplement la mise en joue aléatoire — l’œil se balade à droite et à gauche, et l’erreur de parallaxe l’accompagne.
Sur les lunettes PSO-1, on apprenait aux tireurs à s’orienter “par rapport à la lune”, de manière à ce que l’image dans le tube soit exactement au centre, que l’œil soit sur l’axe optique et que l’erreur de parallaxe ne se manifeste pas. Cette astuce ne fonctionne plus avec les lunettes modernes : un effet tunnel pareil est absent. Avec un montage correct, l’image occupe raisonnablement tout l’espace dans le tube et il faut compter sur une mise en joue uniforme, ce qui n’est pas si facile à réaliser, surtout dans des positions de tir improvisées ou instables.
Et ce qui à 300 m donne une erreur de 10 cm, dans les cas extrêmes vers 1000m se traduit par un demi-mètre d’erreur, ce qui constitue largement la différence entre un touché et un raté, avant même tous les autres facteurs perturbateurs.
Conclusion : pour tirer à longue distance, il faut une lunette avec réglage de la parallaxe qu’il ne faut pas oublier d’utiliser, même si la cible paraît nette.
Pour clore le sujet de la parallaxe, quelques remarques :
Premièrement : les indications en nobles mètres, ou en yards malsains, sur le tambour de réglage de la parallaxe peuvent correspondre à la réalité de manière assez approximative, même pour les fabricants les plus renommés. Ce n’est pas tant le chiffre qui doit nous guider, que le réglage effectif de la parallaxe, lorsque la cible est nette et que le réticule reste “collé” à elle, quelle que soit la position de l’œil.
Deuxièmement, il ne faut pas confondre la focalisation pour les dioptries de la vision individuelle et la focalisation pour éliminer la parallaxe. Il s’agit dans les deux cas d’une focalisation, certes, mais différente.
La mise au point dioptrique est située du côté de l’oculaire et est conçue pour s’adapter à la vision individuelle d’un tireur, de sorte que l’œil puisse voir clairement ce que la lunette projette sur les plans focaux. La mise au point de l’objectif, également appelée réglage de la parallaxe, est située soit sur l’objectif lui-même (ce qui est assez rare sur les modèles modernes), soit dans la partie centrale sur le côté (sur le dessus pour les Kahles) et est conçue pour projeter l’image au plan focal depuis la bonne distance. La focalisation dioptrique est effectuée une fois pour un œil particulier, afin que le réticule soit clairement visible. Le réglage de la parallaxe est effectué à chaque fois pour chaque distance de tir.
Qualités et défauts optiques des lunettes
Je commencerai par l’essentiel : il est pratiquement impossible pour un amateur de mesurer et quantifier la qualité de l’optique dans des conditions improvisées, hors laboratoire, sans équipement spécial, et sans formation spécialisée. Par conséquent, seuls les tests comparatifs, totalement subjectifs, ont du sens pour nous autres, simples mortels — regarder à travers deux tubes différents dans les mêmes conditions.
Une illustration parfaite de cette thèse est la transmittance, ou coefficient de transmission de la lumière. Tous les fabricants se vantent de la transmission de lumière; il y en a qui disent, mettons — 89%, et et d’autres renchérissent — 92%, etc. Premièrement, connaissant la relation logarithmique entre l’intensité lumineuse et la sensibilité de l’œil humain, la différence entre 89 % et 92 % ne sera pas du tout perceptible pour une personne moyenne. Deuxièmement, la transmission de la lumière, au-delà d’une certaine limite, n’est de loin pas la chose la plus importante. Je m’explique (et je pars de loin) :
Il n’y a pas eu de nouveautés dans la conception des systèmes optiques depuis le 19e siècle, les lois de l’optique n’ont pas changé depuis. Par exemple, la conception de l’objectif Zeiss Planar, brevetée à la fin du 19e siècle, est toujours à la base de la plupart des objectifs photographiques normaux d’aujourd’hui. Néanmoins, les optiques d’il y a un siècle sont sombres, alors que les optiques modernes ne le sont pas. Quelle est la différence ?
Une partie de la perte de est due à la qualité du verre — un peu de lumière est perdu lorsque les photons foncent à travers la matière solide, et se perdent en route. Mais vers les années 1920-1930, il est devenu possible de fabriquer du verre très pur, très proche du verre moderne, et le développement de matériaux à indice de réfraction élevé a permis de fabriquer des lentilles plus minces, ce qui (en plus d’autres avantages) a permis de réduire encore légèrement la perte de lumière. Mais la perte qui se produit lorsque les rayons traversent le matériau n’est qu’une petite fraction de la perte totale. La majeure partie de la lumière (jusqu’à un tiers ou plus de la lumière entrant dans l’objectif) était perdue par reflets des surfaces des lentilles.
Il en a été ainsi jusqu’en 1935, lorsque le savant scientifique Alexandre Theodorovich Smakula[5] s’est attelé à la tâche et a inventé le premier revêtement antireflet. Sous son impulsion magistrale, après la guerre, une course aux revêtements optiques s’est engagée, et ça a duré des décennies ; la technologie est encore améliorée aujourd’hui. C’est ainsi que nous disposons aujourd’hui de ce que l’on appelle le “fully multi-coated”, c’est-à-dire le traitement multicouche intégral. Il s’agit d’un traitement multicouche parce que chaque couche travaille a son propre spectre et que, pour couvrir toute la lumière visible, il faut plusieurs couches différentes, certains revêtements pouvant même comporter 8 couches ou plus (y compris les couches structurelles et protectrices). Et complet, parce que les lentilles sont traitées sur toutes leurs faces afin de réduire les reflets à la sortie du verre et les reflets parasites à l’intérieur de l’instrument.
Le traitement multicouche intégral n’est certainement pas la garantie d’une bonne optique, mais son absence, à l’époque actuelle, est la garantie d’une optique au mieux médiocre.
Et il ne s’agit pas seulement de la transmission de la lumière. Pour exagérer, si 100 % de la lumière entrant dans l’objectif arrive jusque à l’œil, mais sous la forme d’un mur blanc vierge ou d’une tache délavée, l’instrument n’a aucune utilité.
Tout d’abord, les revêtements antireflets permettent de minimiser la lumière parasite à l’intérieur d’un instrument optique. La lumière parasite provient soit des sources fortes en dehors du champ de vision (p.ex. soleil bas dans l’hémisphère frontal), soit des rayons dans le chaps de vision qui se perdent en route et ne suivent pas le chemin prévu. Les effets nocifs de la lumière parasite sur la qualité de l’image sont énormes. Même avec les meilleures lunettes qui existent, en fonction des conditions d’éclairage, le rajout d’un tube pare-soleil ou d’une grille “nids d’abeilles” peut radicalement améliorer la qualité de l’image, (contraste, “relief”, etc.), alors que ces extensions réduisent forcément la transmission de la lumière a proprement parler. La lutte contre la lumière parasite est très complexe (on va s’y arrêter en détails ci-dessous), et l’élimination des reflets sur les surfaces des lentilles y contribue largement.
Par ailleurs, l’avantage principal des revêtements antireflet est qu’en réduisant la perte de lumière à chaque lentille individuelle, il est devenu possible d’intégrer davantage de lentilles dans la conception, ce qui permet de traiter efficacement les aberrations optiques, c’est-à-dire les distorsions de l’image dues au passage de la lumière à travers le système optique.
Les aberrations optiques sont inévitables et coûtent cher à corriger (des lentilles supplémentaires, c’est-à-dire une masse supplémentaire, des surfaces de lentilles non sphériques astucieuses, donc un très sérieux défi d’usinage de précision, etc.) La correction efficace des aberrations est l’un des facteurs les plus importants qui distinguent une optique excellente d’une optique médiocre.
Les diverses aberrations dans les systèmes optiques sont un phénomène bien étudié, toutes les causes sont connues et il existe toute une classification. Si vous voulez connaître l’essence scientifique de ce qui se passe, allez sur Internet, il y a beaucoup de manuels pour la deuxième année d’études de hautes écoles spécialisées, tout y est expliqué en long et en large. Quand à moi, c’est avec un sentiment de profonde satisfaction que j’ai oublié les cours d’optique que j’ai suivi à l’uni 30 ans en arrière, et je considère maintenant toutes les aberrations non pas du point de vue scientifique, mais exclusivement du point de vue consommateur, à savoir : il peut y avoir trois types de malheurs en optique – le malheur avec la géométrie, le malheur avec la couleur et le malheur avec la netteté.
La distorsion
Premièrement, le malheur géométrique — la distorsion. Il existe deux types de distorsion : convexe et concave, respectivement en “barillet” et en “coussinet”, et parfois une combinaison de barillet au milieu et de coussinet sur les bords, ou vice versa; toutes les variantes sont aussi mauvaises les unes que les autres. Les amateurs de photographie savent exactement de quoi on parle, mais si la distorsion négative “en barillet” peut être la propriété recherchée des objectifs photo type “fisheye”, par exemple pour prendre des clichés de mignons petits chats ou de certains aspects proéminents de l’anatomie humaine, pour les lunettes de tir, la distorsion est strictement négative. En pratique, elle se manifeste par la courbure des lignes droites qui ne passent pas par le centre de vision (plus précisément, qui ne traversent pas l’axe optique). Il est facile de la détecter : il suffit de contempler à travers la lunette quelque chose de grand et de carré de face. Les lignes et les angles droits doivent rester droits.
Mais si ce n’est pas le cas, “est-ce grave, docteur” ? En principe, si on vise avec le centre du réticule, il n’y a pas de problème, la lunette reste tout à fait fonctionnelle. Si on contre-vise au “sapin”, il y a des erreurs, mais dans la plupart des cas elles sont acceptables. En d’autres termes, “grave, mais pas désespéré”. Toutefois, si la lunette présente des distorsions géométriques immédiatement visibles, c’est généralement le signe d’une conception négligée ou inadéquate du système optique et on peut sûrement s’attendre à d’autres problèmes. Pour moi, c’est une sonnette d’alarme, un point en faveur de la disqualification.
Aberration chromatique
Deuxièmement : le malheur avec la couleur, également connu sous le nom d’aberration chromatique. Elle se manifeste par des bords irisés, rouge, violet ou bleu dans les zones de fort contraste et, en général, si on peut le dire, par un débordement de couleur sur les contours. Dans les cas extrêmes, c’est juste horrible — à faire saigner des yeux au bout de 10 minutes derrière l’instrument. Dans les cas non extrêmes, mais perceptibles, c’est juste très, très fatiguant. Il en existe deux types : dans un cas, l’aberration chromatique apparaît sur l’ensemble du champ visible et est plus floue. Dans l’autre, elle est plus prononcée sur les bords de l’image et donne des auréoles bleu-violet ou rouge assez nettes. Derrière ces effets spéciaux se cachent des phénomènes physiques légèrement différents, et l’un n’exclut d’ailleurs pas l’autre, mais pour nous, les consommateurs, c’est une maigre consolation.
Mon principe est simple : pas d’aberration chromatique visible, c’est trop dur pour les yeux. Si vraiment pas le choix, je peux encore m’accommoder d’une aberration sur les bords, mais pas au centre du réticule, car je vise avec.
Avertissement : bien que déjà au milieu du siècle dernier les ingénieurs en optique aient appris à corriger relativement bien une forte aberration chromatique, le faire complètement reste encore assez compliqué. En cherchant bien, on peut en trouver un peu, non seulement dans les lunettes bon marché, mais aussi dans de la moyenne gamme. S’il faut vraiment chercher, c’est encore ok. Si c’est immédiatement visible = disqualification. L’aberration chromatique est mieux détectable au grossissement maximal, de près, c’est-à-dire à la distance de focalisation minimale (autant que le réglage de la parallaxe le permet), des objets à contraste maximal (idéalement, quelque chose de noir profond sur un fond blanc brillant).
Perte de netteté
Et troisièmement, le malheur avec la netteté.
Le problème le plus courant dans ce genre est la perte de netteté sur les bords de l’image aux grossissements minimums. Les grands de l’industrie n’ont évidemment pas ce souci, mais pour les instruments moins chers c’est un phénomène assez courant. Cela vient du système de l’objectif, et il peut y avoir 15000 raisons pour cela: aberration sphérique non corrigée, aberration comatique, aberration astigmatique, courbure de champ, n’importe quelle combinaison de ces facteurs, et j’en passe… En tant que consommateur, en savoir la cause ne m’intéresse pas, car on ne peut de toute façon pas les guérir avec les moyens du bord.
Est-ce grave ? Si le problème n’apparaît qu’à des grossissements minimaux et si le centre reste net, on peut s’en accommoder. J’ai eu affaire (et j’ai encore affaire) avec plusieurs lunettes décentes, dont les bords de l’image étaient légèrement flous au zoom minimal, mais le problème disparaissaient complètement dès l’on augmentait le zoom – ce sont des outils tout à fait fonctionnels. Cependant, si à 20-25% du chemin entre le grossissement minimum et le grossissement maximum, les bords de l’image sont encore flous (par exemple à 6x pour une lunette 3-15x), c’est très alarmant et cela fait réfléchir – ce n’est certainement pas le dernier et probablement pas le principal problème de cette optique. À tester à courte distance, 50m par exemple.
À ce stade, nous en avons probablement fini avec les aberrations, mais pas encore avec les problèmes de netteté — il reste des problèmes optomécaniques.
Un autre problème de netteté, relativement courant, est que la lentille où le réticule est gravé ne se trouve pas exactement à la distance du premier plan focal, mais quelque part à côté. Ça se manifeste, par exemple, lorsque l’on fait du zérotage brouillon à courte distance[6] — en fonction des réglages de dioptries, on arrive à voir net soit le réticule, soit la cible, mais jamais les deux en même temps. Pour mes applications principales cela n’a pas beaucoup d’importance, car avec la parallaxe réglée au loin la profondeur de champ est suffisante pour que tout soit net. Néanmoins, j’évite ce type d’outils, car un tel problème est un indicateur de négligence dans la conception de l’optique, et dans toutes les gammes de prix il existe des variantes où ce problème n’apparaît pas. À tester à la distance minimale du réglage de la parallaxe.
Enfin, un autre problème de netteté, assez rare mais désagréable, c’est la perte de mise au point lors d’un changement de zoom, premier (parallaxe) ou second (dioptrique) point focal — on tourne la molette du zoom et l’image devient floue. Dans mon cas, il s’agit d’une disqualification immédiate. J’utilise souvent le levier de zoom, et devoir refocaliser à chaque fois est exactement le souci que je ne veux pas avoir sur la ligne de tir.
Autres malheurs
Un autre phénomène strictement disqualifiant est le changement du dégagement oculaire avec un changement de grossissement. C’est incroyablement ennuyeux. Je m’explique : le système oculaire de la lunette projette l’image en s’attendant à ce que la lentille réceptrice de la pupille humaine se trouve à une certaine distance — la distance du dégagement oculaire. Cette distance est conçue avec une petite marge; dans certaines limites, l’œil plus ou moins éloigné perçoit toujours l’image complète. En règle générale, le dégagement oculaire le plus capricieux est observé aux grossissements maximums, pour lesquels les optiques sont généralement montées, et on s’attend qu’aux grossissements plus petits la distance à l’œil reste toujours dans les marges optimales. Mais ce n’est pas toujours le cas. Exemple extrême – Elcan Specter 1:4x, excellente lunette de combat — incassable, excellente mécanique, optique cristalline, large champ de vision – mais les distances de sortie à 1x et à 4x sont absolument incompatibles l’une avec l’autre, c’est-à-dire qu’en passant à 4x, par rapport à 1x, il faut avancer la tête, la rapprocher de l’oculaire.
Pour un tir précis, comme nous l’enseigne l’expérience du tir sportif classique, l’une des clés du succès est la position systématique, répétitive et stable de l’ensemble du corps et de la tête du tireur. Une lunette qui oblige à placer la tête de manières différentes est exactement ce qu’il ne faut pas; il y resera toujours des fabricant concurrents qui auraient mieux pensé leur design.
Reflets et lumière parasite
Et pour conclure sur toutes sortes de malheurs qui se produisent dans le domaine de l’optique, quelques mots sur la lumière parasite et les reflets. L’élimination correcte de la lumière parasite est une tâche très complexe, tant du point de vue de la conception optique que de l’ingénierie, et c’est l’une des principales différences pratiques entre une bonne lunette de visée et une lunette médiocre. En règle générale, la lumière parasite apparaît lorsque le soleil est bas dans l’hémisphère avant et provoque soit des reflets brillants couvrant une partie de l’image, soit un blanchiment de l’ensemble de l’image, c’est-à-dire une forte perte de contraste.
Cela ne peut être vérifié qu’en regardant à travers un tube particulier dans la direction du soleil bas. Juste au cas où : le luminaire céleste lui-même dans le champ de vision de l’optique est une très mauvaise idée, à moins de disposer d’une rétine de rechange pour l’œil directeur. Il faut regarder, bien sûr, non pas directement le soleil, mais approximativement dans sa direction. Et là, la différence entre les lunettes peut être énorme, jusqu’à la perte totale de fonctionnalité pour certains modèles, alors que pour d’autres, dans les mêmes conditions, l’interférence serait à peine perceptible. Mais il faut bien comprendre qu’il est impossible d’éliminer totalement la lumière parasite et qu’il y aura toujours des conditions dans lesquelles la lumière parasite perturbera fortement la visée à travers une lunette. En pratique, les pare-soleil et les “grilles d’abeille” sur l’objectif aident beaucoup; ils ne compenseront, bien sûr, pas la différence entre une bonne et une mauvaise optique, mais en cas de très mauvaise lumière, ils sont utiles pour n’importe quelle lunette.
Malheureusement, je ne peux pas donner de recommandations plus précises : il faut regarder à travers différents tubes à contre-jour pour comprendre qu’ils valent, et à quoi s’attendre.
Ainsi, nous pouvons considérer que l’examen des problèmes optiques est terminé. Parlons maintenant des qualités optiques. Il y en a deux : la résolution et le contraste.
Résolution et contraste
La résolution est la mesure angulaire à partir de laquelle deux objets différents peuvent encore être distingués, au lieu de se fondre en un seul. Le contraste est la capacité d’un système optique à reproduire la différence entre, par exemple, le clair et l’obscur (j’aimerais pouvoir dire qu’il se mesure en nuances de gris, mais c’est un peu plus compliqué), ou entre différentes couleurs, par exemple.
Tout de suite une mauvaise nouvelle. Les spécifications techniques d’une lunette de visée ne comportent aucun chiffre permettant d’évaluer l’un ou l’autre de ces facteurs essentiels. Il existe des tableaux des fonctions de transfert des systèmes optiques qui, en principe, devraient donner une réponse à cette question, mais ces tableaux posent de nombreux problèmes :
EINS. Pour autant que je sache, aucun fabricant de lunettes ne publie ces tableaux en accès public.
ZWEI. Un équipement spécial est nécessaire pour les obtenir.
DREI. Une formation spéciale est nécessaire pour les comprendre .
VIER. Ces graphiques ne prennent pas du tout en compte la partie réceptrice – l’œil humain, qui diffère d’un individu à l’autre, et change notamment avec l’âge et la lumière.
On pourrait être tenté de tester au moins la résolution par des méthodes artisanales — imprimer des zèbres verticaux et horizontaux avec des lignes et des espaces d’épaisseur décroissante, comme chez un opticien, et observer à quel moment ils commenceront à se fondre en un fond gris. À un moment donné, je me suis amusé à le faire, mais… :
– Se pose violemment la question de l’éclairage: comment, d’une manière standard, reproduire le spectre de la lumière du jour pour lequel les revêtements antireflets sont optimisés?
– En outre, au crépuscule, l’œil humain devient sensible à d’autres choses, en particulier à d’autres fréquences, ce qui signifie que les mesures doivent également être effectuées avec différentes intensités lumineuses (d’ailleurs, avec certaines optiques, il y a parfois des surprises).
– En tout état de cause, le résultat fini par être entièrement subjectif, en raison des particularités de la vision individuelle.
En d’autres termes, camarades, faire les choses scientifiquement est une option qui est, hélas, hors de portée d’un simple enthousiaste. Dans l’absence de chiffres tangibles et concrets, il faut se fier à l’empirisme — prendre deux tubes côte-à-côte, regarder à travers, et comparer. (Plus généralement parlant, on peut tripoter les spécifications “papier” autant qu’on veut, mais rien ne remplace une demi-heure d’expérience directe avec un instrument réel.)
La comparaison doit être effectuée dans des conditions aussi proches que possible des conditions réelles de tir, aux distances et cibles prévues, et à la même lumière. Si on ne constate pas de différence, cela signifie qu’il n’y a pas de différence pour cette application particulière, aussi choquant que cela puisse paraître à ceux qui ont investi dans du verre le prix d’une voiture d’occasion.
Pour connaître les limites de tel ou tel système optique, il faut regarder loin et longtemps. Dans ce cas, la résolution et le contraste doivent être évalués séparément. Pour autant que je sache, dans l’optimisation des systèmes optiques, il est impossible d’optimiser les deux en même temps : à un moment donné, ces deux facteurs entrent en conflit et des compromis doivent être faits dans un sens ou dans l’autre (j’ai lu, par exemple, que le légendaire objectif Zeiss Planar était déjà un compromis entre le contraste et la résolution, en faveur de cette dernière).
Pour l’évaluation des qualités optiques, on choisit, par exemple, une cabane de forestier, à 1000m et au-delà. Si une fenêtre de la cabane est immédiatement visible et immédiatement identifiable en tant que telle — c’est du contraste. S’il est nécessaire de faire des efforts pour distinguer la fenêtre, mais qu’il est possible ensuite de distinguer le cadre, le battant, les géraniums sur le rebord — c’est la résolution. Les lunettes haut de gamme sont excellentes dans les deux domaines, mais en règle générale, l’un d’entre eux est un peu meilleur et le choix doit être une fonction de préférences individuelles et de particularités de la vision.
En plus de la lumière “de travail”, il est recommandé de tester les optiques à des grossissements de travail ; différents systèmes optiques peuvent être optimisés pour différents grossissements — la qualité de l’image, par exemple, à 12x et 24x cela peut différer dans un sens et dans l’autre.
Angle de vue
Ce paramètre, assez critique pour les LPVO, joue un rôle beaucoup moins important qu’il n’y paraît dans les lunettes TLD. Nous parlons, bien sûr, de l’angle de vue à un grossissement donné, car plus le grossissement est élevé, plus l’angle est petit. Pour être franc, je ne vois aucune différence pratique significative dans les outils “tactiques” actuels dont j’ai parlé jusqu’à présent, qui puisse s’expliquer par le champ de vision. En d’autres termes, pour moi, c’est loin d’être le facteur le plus important dans le choix d’une lunette.
Attention! Nuance importante : il existe deux angles de vue.
α est l’angle de vue réel de la lunette. Lorsque les spécifications indiquent “champ de vision : X mètres à une distance de Y mètres”, c’est de ça qu’on parle, et c’est à ça que réfère ma déclaration catégorique “je ne vois aucune différence pratique significative”.
Mais il y a aussi l’angle β, aussi appelé “angle de vue apparent” – la partie du champ de vision de l’œil humain qui est occupée par l’image provenant de la lentille oculaire.
Le grossissement de la lunette, au sens strict, est défini comme angle β divisé par angle α. Prenons l’exemple de la légendaire S&B PMII 3-12×50. Avec un grossissement de 12x, le champ de vision est de 3,4 m à une distance de 100 m, ce qui correspond à un angle de vue α d’environ 1,95°. L’angle de vue β apparent pour l’oeil humain est donc de 1,95×12≃23,4°.
Pourquoi est-ce important ? Quand on regarde à travers la lunette, l’œil humain perçoit non seulement l’image dans l’oculaire, mais aussi tout ce qui se trouve autour dans son champ de vision. L’évolution nous a appris à réagir instinctivement et instantanément à tout mouvement ou phénomène contrasté se produisant à la périphérie de la vision. Pour le singe chauve, ces réactions sont une question de survie, “programmées dans le BIOS” au niveau sous-cortical. Plus le champ de vision effectif de l’instrument est grand, moins il y a de distractions externes (sans rapport avec la tâche principale) qui détournent l’attention, moins il y a de fatigue et plus il est facile de se concentrer (le capuchon oculaire en caoutchouc de PSO-1 est conçu non seulement pour une indexation instantanée à la distance optimale de la pupille de sortie, mais aussi pour éviter les perturbations visuelles dans le reste du champ de vision).
L’angle de vue apparent à l’œil pour les lunettes de visée modernes se situe généralement entre 20 et 25°. Il est déterminé par deux paramètres : le diamètre d de la lentille de sortie de l’oculaire et la distance r à la pupille de sortie. Ce paramètre n’est pas à proprement parler disqualifiant, mais dans la pratique il fait une sérieuse différence dans le confort d’utilisation, et toutes choses égales par ailleurs, je recommanderais de choisir une lunette avec un diamètre oculaire plus grand. Pour la même raison, en théorie, plus la distance optimale à l’œil est courte, mieux c’est pour viser, mais en pratique une distance trop courte représente de sérieux risques d’un œil au beurre noir en raison du recul de l’arme. Les distances à l’œil typiques – de 70 à 100 mm – sont conçues ainsi uniquement pour avoir du dégagement au recul (sinon, les distances très courtes, “oculaire contre l’œil”, comme dans les télescopes ou les jumelles d’observation, seraient beaucoup plus pratiques à utiliser).
Profondeur de champ
Par contre, la profondeur de champ est un paramètre très intéressant, que j’ai longtemps sous-estimé. Je l’ai sous-estimé parce que je ne tirais pas à courte distance. Et puis un jour, il y a de nombreuses années, j’ai décidé de tirer à “longue distance” avec du petit calibre. Il faut dire que les vraies longues distances sont loin, chères, et les occasions d’y tirer ne se présentent pas aussi souvent que je le voudrais. La .22LR à 300 mètres, par exemple, du point de vue de toute l’artillerie — estimation de la distance, vent, etc. — vaut bien une 308 à 1000m en termes de difficulté c’est un défi sophistiqué et didactique à vraiment pas cher.
Et il s’avère que plus la distance de mise au point de l’objectif est courte, plus la profondeur de netteté est petite.
Bien sûr, en théorie je le savais, encore par la photographie où c’est l’un des outils clés, mais en pratique de lunettes de tir j’y ai été confronté pour la première fois. Lorsque l’on règle la parallaxe à 600 mètres, par exemple, la profondeur de champ est déjà très grande — tout autour, avant et après, est net. Mais à courte distance, la parallaxe doit être constamment ajustée, le transfert du feu en profondeur, l’observation et la recherche de la cible deviennent beaucoup plus difficiles. La réduction du grossissement peut aider dans une certaine mesure (encore un argument en faveur du petit grossissement en bas). Plus la distance de mise au point est courte, moins le champ est profond, et ce n’est pas le seul facteur. La profondeur de champ se réduit aussi plus la lentille de l’objectif est grande, et plus la partie objective de la lunette est courte, tout simplement en raison des lois de l’optique.
Par conséquent, les lunettes dotés d’un objectif court de large diamètre peuvent devenir vraiment pénibles à courte distance, jusqu’à 200 mètres, surtout si elles sont équipées d’une molette de réglage de la parallaxe sensible.
Comme je l’ai dit plus haut, la profondeur de champ est un facteur insignifiant pour mon application principale, mais si une des applications prévues pour la lunette TLD est de tirer à courtes distances également, c’est un critère à prendre en compte. Ça vaudrait alors la peine de regarder du côté des lunettes avec un objectif de plus petit diamètre (Ilya Koshkin, le magnifique, avait une vidéo entière[7] sur les raisons pourquoi personne ne fait d’LPVOs avec de grands objectifs, style 56 mm de diamètre — entre autres parce qu’il faut de la profondeur de champ à courte distance).
La profondeur de champ doit être évaluée, bien sûr, à courte distance (autant que l’ajustement de la parallaxe le permet) et en pleine lumière, sinon la profondeur de champ peut être limitée par l’œil humain (pupille dilatée dans l’obscurité -> grande ouverture -> petite profondeur de champ) plutôt que par l’optique.
Poids et gabarits
Pour moi, le poids est très important. Dans les spécifications données, je considère qu’un poids inférieur à un kilogramme est acceptable et qu’un poids inférieur à 900 g est souhaitable.
Le poids est principalement déterminé par le nombre de lentilles, le montage intérieur nécessaire pour supporter le recul et la complexité de la mécanique. Pour les variantes courantes, on arrive généralement à 800 grammes en tout cas. Généralement, dans tout ce qui est plus léger, c’est la qualité de l’image ou la robustesse qui souffrent.
Il y a bien sûr des exceptions. Par exemple, une dizaine d’années en arrière, la société March sortait un modèle 3-24x très convaincant pesant moins de 700 g. Mais ces exceptions sont très rares, les derniers modèles March étant devenus lourds comme les autres. Très souvent, on a plutôt affaire à des exceptions contraires — par exemple, les Vortex haut de gamme, qui ont une optique, une mécanique et une fiabilité excellentes, pèsent comme des fers à repasser – 1300-1400 grammes pièce. Il est très pratique et agréable de tirer avec ces lunettes, mais que Dieu me garde de les trimballer sur des cols de montagne.
La longueur de la lunette est un compromis. Toutes choses égales par ailleurs, la profondeur du champ de vision est dans une certaine mesure sacrifiée. En outre, les lunettes courtes pèsent souvent plus lourd que leurs homologues longs en raison d’une mécanique plus complexe. Dans des limites raisonnables, ce facteur n’est pas le plus important pour moi [8].
Diamètre de la lentille de l’objectif = plus de lumière au détriment des dimensions. À qualité et conception égales, la quantité de lumière est proportionnelle à la surface de la lentille d’entrée. Les variantes courantes sont 44, 50 et 56 mm de diamètre, le dernier chiffre de la désignation du modèle, après la lettre “x”, par exemple 3-tiré-12-iks-50. Si l’on considère que 50 mm représente 100 %, l’objectif de 44 mm laissera passer 77 % de la lumière, et celui de 56 mm — 125 %. Il semblerait à première vue qu’il y aie peu de différence entre 50 mm et 56 mm, mais en fait, il y a un quart de lumière de plus qui rentre. C’est la théorie. En pratique, ce n’est pas l’élément le plus important dans le choix d’une lunette. Il faut examiner un modèle concret, car les pourcentages mentionnés sont “toutes choses égales par ailleurs” et ce n’est presque jamais vrai. Comme mentionné plus haut, la luminosité dépend beaucoup plus de la conception optique spécifique et du revêtement de la lentille.
Pour les grossissements jusqu’à 18-20x, 50 mm me semble un compromis raisonnable. Pour les grossissements plus élevés, je recommanderais quand même 56 mm, non pas en raison de la lumière, mais de la taille de la pupille de sortie. Le diamètre de la pupille de sortie est la taille du faisceau lumineux qui va de la lunette à l’œil du tireur. Ce diamètre est simplement le diamètre de l’objectif divisé par le grossissement. Pour une visée confortable, la pupille de sortie doit être sensiblement plus grande que la pupille humaine, et pour la conserver à des grossissements élevés, il faut agrandir la lentille de l’objectif; ce qui, à son tour, augmente tout le reste: les dimensions et le poids.
Enfin, à propos du diamètre du tube principal. Il y a deux idées fausses à ce sujet : un gros tube donne plus de lumière (ce n’est pas vrai, au reste égal, la lumière est déterminée par le diamètre de l’objectif et non par celui du tube), et un gros tube est lourd (ce n’est pas vrai non plus, le poids d’un tube en aluminium n’est rien comparé au poids de son contenu). Un grand tube est nécessaire tout d’abord pour placer des lentilles du diamètre nécessaire (ce qui est important par exemple pour les grands objectifs) et pour mettre en place la mécanique – les montures pour toutes ces lentilles, l’espace pour les réglages, les mécanismes de décalage relatif des lentilles et ainsi de suite. Le tube est agrandi lorsque tout ce bazar ne rentre plus dans un tube fin.
Je n’ai pas vu de lunettes de fabrication moderne avec les spécifications requises au tube d’un pouce de diamètre. (Les tubes d’un pouce, d’ailleurs, semblent être une espèce en voie de disparition.) Les standards de facto sont 30 et 34 mm — aucune différence pratique, ce n’est pas un critère de choix. Mais je déconseille tout autre diamètre de tube — et il y en a de 35, 36, 40 mm, etc. Trouver un montage optimal pour un tel diamètre non standard est parfois une véritable course d’obstacles en soi.
Conclusion
En conclusion, je te souhaite, cher lecteur, ainsi qu’à toute ta famille et à tous tes amis, que les lunettes et les armes à feu en général ne soient utilisés qu’à des fins de divertissement et non pour l’usage auquel elles sont destinées.
Que la Paix soit avec nous tous.
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[1] Ceci dit, le X-TLD — dans le trans- et sub-sonique — est, bien sûr, une activité très fascinante, à laquelle je m’adonne passionnément quand j’en ai l’occasion, mais je ne la considère pas comme un scénario standard qui doit déterminer l’équipement.
[2] À propos, toutes sortes de “records de sniper” sur trois km et plus passent chez moi sous le hashtag “#unéléphantpeutmangercentkilosdechouxenuneseulefois” — une information intéressante, mais parfaitement inutile en pratique. D’ailleurs, lorsque du coté “destinataire” un personnage regarde tranquillement tomber à ses côtés 12 saucisses de calibre 12,7 l’une après l’autre, jusqu’à ce que la treizième lui arrive finalement dans la figure, cela ne s’appelle pas un record de tireur d’élite, mais plutôt de la sélection naturelle.
[3] Cependant, le va-et-vient de zoom pour trouver la cible peut être évité en fixant simplement un red dot sur le côté du tube, à conseiller.
[4] En parlant plus généralement, pour l’illumination du jour, par exemple dans les red dots (green dots ?), je n’ai pas trouvé de différence pratique entre le vert et le rouge. En fait, l’éclairage le plus visible, celui que l’on voit le mieux sur de différents arrière-plans et auquel l’œil réagit le plus rapidement, est l’orange. Mais là encore, la différence est assez marginale.
[5] D’ailleurs, un personnage extrêmement intéressant, à biographie juste féerique — né en 1900, sujet de l’Empire austro-hongrois, originaire de l’actuelle région de Ternopol, un self-made man issu de la paysannerie, il a eu le temps, dans sa jeunesse, de se battre dans les rangs de l’armée galicienne — il n’est pas clair, cependant, si c’était avant ou après qu’elle aie rejoint les rangs de l’Armée rouge (en général, cet épisode de sa biographie est assez obscur) — mais a su échapper aux polonais et à la Tchéka, et a pu se retirer à son village natal, où, à l’âge de 22 ans, il a terminé le lycée local. Puis, accrochez vous, l’université de Goettingen, une carrière brillante, puis un poste de chef du département de recherche chez Zeiss, et en 1935 l’invention d’un revêtement antireflet absolument révolutionnaire (qui est resté un secret militaire allemand jusqu’à la fin de la guerre). Il travaille ensuite avec succès pour le Troisième Reich dans le domaine du guidage infrarouge des missiles, puis l’administration d’occupation américaine lui fait traverser l’océan, où il obtient assez vite un poste de professeur au MIT, où il fonde et dirige le laboratoire de physique des cristaux, avant de mourir tranquillement de vieillesse dans les années 1980. À propos, il a été l’un des premiers, encore dans les années 1990, à être déclaré ukrainien à titre posthume (il y est maintenant avec Ivan Aivazovsky et Arkhip Kuindzhi — en bonne compagnie). En général, cette bio est une vraie bombe ! Je lirais ça dans un roman, ça serait difficilement croyable; la réalité est de loin plus cool que tous les livres et les films d’aventure !
[6] Soit dit en passant, le problème peut être beaucoup plus grave sur des optiques sans réglage de parallaxe.
[7] ici: https://www.youtube.com/watch?v=9E7W3NbhvIU
[8] Dans nos contrées les lunettes de nuit sont, hélas, verboten.